Évaluation de l’exposition à l’aspartame
Photo de molécule d’Aspartame par Bin im Garten, licence cc-by-sa
Emmanuel suggère un premier sujet auquel nous pourrions contribuer :
L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (en anglais European Food Safety Association (EFSA)) a lancé une consultation publique sur l’aspartame. L’EFSA a réévalué la dangerosité de l’aspartame et a publié un rapport préliminaire. La conclusion de ce rapport préliminaire est que la Dose Journalière Admissible (DJA) actuelle de 40 mg par kilogramme ne pose pas de problème de santé et qu’il n’y a donc pas lieu de la modifier.
L’EFSA invite « la communauté scientifique et les parties prenantes (stakeholders) » à commenter ce rapport préliminaire par le biais d’une consultation publique, jusqu’au 15 février 2013.
En tant que consommateurs, nous sommes des parties prenantes, et nous pourrions donc commenter ce rapport.
J’ai commencé à lire le rapport, et je crois que l’on pourrait apporter une contribution utile à la partie sur l’évaluation de l’exposition à l’aspartame (pages 26 à 40). Combien d’aspartame ingère-t-on et est-il possible de dépasser la dose journalière admissible, peut-être sans s’en rendre compte ?
La quantité ingérée d’aspartame dépend de la quantité d’aspartame contenue dans les produits alimentaires, et de la quantité de ces produits qui est consommée par chaque individu.
Quantité d’aspartame dans les produits alimentaires
L’EFSA a demandé à l’industrie alimentaire de fournir des chiffres sur la quantité d’aspartame dans les produits, mais les réponses ont été jugées par l’EFSA non représentatives, et l’EFSA a choisi dans la plupart des cas d’utiliser la valeur maximale autorisée pour chacune des classes de produits, ce qui lui fait dire que l’exposition estimée est « conservative » : l’EFSA pense surestimer la quantité ingérée d’aspartame.
On ne peut bien sûr pas fournir les données manquantes sur les quantités d’aspartame contenues dans les aliments car elles ne sont pas précisées sur les étiquettes (c’est d’ailleurs bien dommage). On pourrait par contre vérifier que les produits qui contiennent de l’aspartame sont tous bien dans les classes considérées par l’EFSA (à priori toutes celles où l’aspartame est autorisée en Europe, donc on ne devrait en théorie pas trouver de produits dans d’autres classes).
Quantité d’aliments contenant de l’aspartame consommée par les individus
Pour estimer la quantité de produits contenant de l’aspartame consommée par les individus, des organismes de recherche dans plusieurs pays organisent des sondages : on demande aux individus de noter précisémment ce qu’ils mangent et combien ils en mangent pendant au moins une journée.
Le rapport mentionne que ces données sont parfois imprécises :
- Food consumption data: the data used for the exposure estimates were data reported at the individual level in several different dietary surveys that applied different methodologies.
- Under-reporting and/or misreporting often represent a bias in dietary surveys.
Pour chaque individu, l’EFSA a alors croisé les données avec les quantités maximum d’aspartame autorisées pour chaque type d’aliment. Si par exemple vous avez dit avoir bu un demi litre de soda light, l’EFSA a considéré que ce soda vous avait apporté 0.5 L * 600 mg/L = 300 mg d’aspartame.
Si vous pesez 60 kg, votre dose journalière admissible d’aspartame est de 40 mg / kg * 60 kg = 2400 mg. Le demi litre de soda vous apporte donc 300 / 2400 = 1 huitième de votre dose journalière admissible. Evitez donc d’en boire plus de 4 litres par jour. (mais il y a de l’aspartame dans d’autres produits que les sodas…)
Une fois la dose d’aspartame consommée chaque jour pour chaque individu calculée, l’EFSA calcule ensuite la moyenne et le 95ème percentile pour les différentes catégories de personnes (les bébés, les enfants, les adolescents, les jeunes adultes, les seniors etc.). Le 95ème percentile est la valeur que seule 5% de la population considérée dépasse.
Comment mieux mesurer les produits consommés par les individus ?
Les sondages sur la consommation des aliments pourraient être un sujet sur lequel on pourrait contribuer : avec une application mobile par exemple, on pourrait plus facilement noter précisémment ce que l’on mange et ce que l’on boit, au niveau du produit. On saurait avec précision quel soda a été bu. Pour son rapport, l’EFSA a considéré que tous les sodas light contenaient de l’aspartame, mais l’aspartame est de plus en plus remplacé par d’autres édulcorants comme l’acésulfame-K. Et par contre on voit apparaitre de nombreux produits (sodas mais aussi ketchup par exemple) « allégés en sucre ». Ces produits sont souvent allégés en sucre mais aussi édulcorés à l’aspartame ou avec d’autres édulcorants.
On pourrait donc avoir des sondages plus précis, et avec potentiellement plus de participants. Le représentativité des participants pourrait par contre poser problème : une application permettant de noter ce qu’on mange serait sans doute très appréciée des adeptes du « quantified self », mais ceux-ci ne pas très représentatifs de la population entière. Et il suffit aussi bien souvent de mesurer ce que l’on fait ou mange pour que l’on change ce que l’on fait ou mange !
L’étude du « pire scénario »
En ce qui concerne la consultation sur l’aspartame, compte tenu du faible temps disponible, on pourrait peut être se pencher sur l’étude du « pire scenario », le « worst case ». Le rapport ne mentionne en effet que la moyenne et le 95ème percentile qui sont en dessous de la dose journalière admissible.
95% de la population consomme moins que la dose journalière admissible, mais combien de personne sont au dessus ? Et à quel point est-il possible de dépasser cette dose journalière admissible ?
C’est une étude que l’on pourrait faire : si l’on prend des produits courants contenant de l’aspartame, est-il possible qu’une consommation « raisonnable » ou même complètement irraisonnable mais possible puisse amener certaines personnes à dépasser la dose admissible ? Ou la doubler ?
Par exemple : un enfant de 3 ou 4 ans de 15 kg qui boit 1 L de soda light atteint la dose admissible. Un enfant de 8 à 10 ans de 30 kg qui en boit 2 L aussi. Ces enfants existent-ils ? Ce n’est pas certain, mais si on ajoute aussi les bonbons et les chewing gums ? Et des yaourts ? A quoi ressemble le menu qui fait dépasser la dose ?
Qu’est ce que vous en pensez ?
Avez-vous d’autres idées de la façon dont on pourrait apporter des commentaires ou des données utiles pour ce rapport ? (ou pour d’autres, la date limite du 15 février ne laisse pas beaucoup de temps, mais c’est très certainement un sujet qui restera d’actualité)
Pensez-vous qu’il serait utile de lancer une « Mission Aspartame » pour recueillir dans la base un maximum de produits contenant de l’aspartame ?