Halloween : quel est le Nutri-Score des bonbons, que les grandes marques refusent d’afficher ?

Halloween : quel est le Nutri-Score des bonbons, que les grandes marques refusent d’afficher ?

Cet article a été rédigé par Robin Prudent et publié sur France Télévisions le 31/10/2024.

Le Nutri-Score, qu’il n’est pas obligatoire d’afficher en France, est calculé à partir d’un algorithme public, créé par des scientifiques. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Plus de 90% des références de confiseries vendues en France par Haribo, Lutti, Carambar ou encore Chupa Chups obtiennent les deux plus mauvaises notes de l’indicateur nutritionnel, D ou E. Consultez notre moteur de recherche.

Une étrange absence. En arpentant le rayon confiseries de votre supermarché pour Halloween, vous aurez bien du mal à trouver le Nutri-Score. Il ne s’agit pas d’un vilain sort jeté par une sorcière dopée au sucre. En réalité, aucune grande marque nationale, comme Haribo, Lutti, Carambar ou Chupa Chups, n’a décidé d’inscrire ces petites lettres colorées sur l’emballage de ses bonbons. « Les industriels refusent d’afficher la réalité de la qualité nutritionnelle de leurs produits parce qu’elle n’est pas optimale pour la santé », tacle le créateur du Nutri-Score, Serge Hercberg. Mais il est possible de contourner ce manque de transparence.

Le Nutri-Score, qu’il n’est pas obligatoire d’afficher en France, est calculé à partir d’un algorithme public, créé par des scientifiques. Cette formule complexe prend en compte différentes données nutritionnelles (quantité de sel, de sucre, de gras, de fibres, de protéines, etc.) qui sont, elles, obligatoirement inscrites sur tous les emballages des produits transformés. « Ce tableau incompréhensible et illisible que l’on trouve aux dos des paquets », raille Serge Hercberg. Le Nutri-Score est une sorte de résumé digeste de tout cela.

Pour éviter de sortir votre calculette au supermarché, le site collaboratif Open Food Facts, en collaboration avec Santé publique France, permet de connaître le Nutri-Score de quasiment tous les produits disponibles, en un clic. L’association s’appuie sur plus de 100 000 contributeurs dans le monde qui ont envoyé les photos de plus de trois millions de produits dans sa base de données. Toutes les références de bonbons vendues en France et compilées par le site figurent dans le moteur de recherche ci-dessous.

Lien vers le tableau interactif

D comme Dragibus

Au rayon confiseries, les marques les plus connues cachent des classements peu reluisants, en raison de produits à forte teneur en sucre, et parfois en graisses. Pas vraiment une surprise pour des bonbons. « C’est purement une consommation plaisir », justifie Pascal Zundel, président des Confiseurs de France, qui représente les entreprises du secteur, des PME aux géants de l’agroalimentaire.

Chez le numéro un de la confiserie, Haribo, les Dragibus – bonbons les plus vendus en France selon l’entreprise – sont classés D. Tout comme les fraises Tagada, les Schtroumpfs, les Croco et les œufs au plat. Les Zanzigliss, un assortiment de bonbons au goût réglisse, sont classés E, la plus mauvaise note du Nutri-Score. Chez Lutti, les Bubblizz, les Scoubidou et les Longfizz sont également classés D. La note se dégrade à E pour les Koala et les Smoodou. Seuls les Arlequin « sans sucres » s’en sortent mieux avec un classement B.

Parmi les bonbons les plus scannés sur Open Food Facts, on retrouve également les TicTac, les Skittles, les Krema Régal’ad et les sucettes Chupa Chups, tous classés D. Les Têtes brûlées fraise et framboise et les Carambar au caramel sont, eux, classés E. Au total, sur les 5 697 produits référencés par l’association, plus de 90% présentent un Nutri-Score D ou E. A l’inverse, seuls 0,5% de ces produits sont classés A et environ 4% obtiennent la lettre B ou C.

Un indicateur adapté aux bonbons ?

Du côté des industriels, on assure que le Nutri-Score « n’a pas de sens » pour ce type de denrées. « C’est un système tout à fait approprié pour des aliments qui se consomment dans des volumes relativement importants et qui contribuent significativement au régime alimentaire, mais c’est une aberration pour les confiseries », assure Pascal Zundel. Il rappelle ainsi que le Nutri-Score est basé sur une quantité de 100 grammes, soit bien plus qu’une portion quotidienne de bonbons.

Un argument réfuté par Serge Hercberg. Selon lui, cet indicateur permet d’abord de comparer des produits au sein d’un même rayon. « Il ne s’agit pas d’interdire de manger des confiseries, mais de savoir très rapidement que certains bonbons sont un peu moins sucrés que d’autres », explique le professeur de nutrition à l’université Sorbonne Paris Nord.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande ainsi de ne pas consommer plus de 100 g de sucres totaux par jour pour les adultes, 75 g pour les enfants de 8 à 12 ans et 60 g pour les enfants de 4 à 7 ans. Il faut ainsi « limiter la consommation » de confiseries, selon le guide alimentaire pour tous, édité par le ministère de la Santé (PDF).

Changement de recettes

De nombreux chercheurs estiment désormais qu’il faudrait rendre le Nutri-Score obligatoire sur tous les emballages pour renforcer son impact, comme en témoigne cette tribune dans Le Monde. « Cela pousserait les industriels à améliorer un peu leurs formules pour que leurs produits soient moins gras ou moins sucrés », espère Serge Hercberg. Une étude, publiée en mars 2024 dans la revue European Review of Agricultural Economics, montre en effet que l’affichage de cet indicateur force les industriels à modifier leurs recettes afin d’obtenir une meilleure note pour séduire les consommateurs.

Alors, les lettres colorées vont-elles bientôt faire leur apparition sur tous les paquets de bonbons ? La partie semble loin d’être gagnée. Après des mois d’attente, la France n’a toujours pas mis en place les nouvelles règles du Nutri-Score qui devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2024. Plusieurs ministres du gouvernement Barnier ont également affiché leur hostilité à cet indicateur.